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<title>Chapitre 17 :: Quand tu me prends dans tes bras, je vois la vie en Lila.</title>
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<h1 class="display-4"><span class="braille">ag</span> / 17.</h1>
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<p class="lieu font-italic">Paris, Aéroport de Roissy, novembre 2002. </p>
<p>Alfred de la Rotinelle était voué à un destin tout tracé : il allait reprendre l'entreprise florissante d'import-export de son père. Ce n'était pas exactement le boulot de ses rêves, mais il avait su se faire une raison. Et tant pis pour ses rêves d’évasion… Cette propension à se laisser porter par le courant, à accepter la fatalité de sa vie, tout en affichant une bonne humeur communicative, lui avait toujours attiré la sympathie de son entourage. Profs, étudiants, filles... Tout le monde se laissait séduire par sa bonhomie et son look de clochard bobo brillant. Tout le monde sauf son père qui lui témoignait un dédain glaçant. Bien que satisfait de savoir que son fils reprendrait les commandes de la boîte, il ne supportait pas ce qu'il qualifiait d'existence apathique. <em>Comment peux-tu te contenter de cette petite existence sans ambition ? Tu végètes, incapable de prendre ta vie en main. Tu préfères reprendre ma boîte que d'en créer une. Tu es tellement pathétique mon fils...</em> Alfie l'écoutait d'une oreille distante, conscient que malgré toutes ces paroles blessantes, son père était heureux de son choix de carrière. Et il devait reconnaître que son paternel n'avait pas totalement tort : ses ambitions professionnelles étaient très relatives. Ce qui l'importait se résumait en un mot : vivre. Peu l’importait donc l’entreprise où il finirait, tant qu’elle lui permettrait de subvenir au besoin de la famille qu’il espérait un jour fonder.</p>
<p>Ainsi donc, Alfie reprendrait un jour l'entreprise familiale, il rentrerait dans le rang et s'assiérait dans le confortable fauteuil en cuir brun qui trônait derrière le bureau de son père... Un jour, il gagnerait un bon salaire. Un jour, il devrait faire le deuil des enfants qu’il n’aurait jamais, comprenant alors que les sacrifices auxquels il avait consentis pour le bien de son hypothétique descendance étaient inutiles… Dans l'immédiat pourtant, il souhaitait encore profiter d'une vie simple et innocente, partir à la découverte du monde, et surtout profiter des nombreuses heures de vol qu'il avait devant lui pour dormir un peu ! Heureux d'avoir enfin terminé des études qui ne l'avaient jamais passionné, il avait fait sienne la nuit : entouré de ses amis les plus proches, il avait fêté jusqu'au petit matin la réussite de ses examens. Ensemble, ils avaient partagé un bon repas, avaient bu de nombreux verres dans son bar préféré et avaient finis éméchés au Tambour, petite guinguette intimiste de la capitale française, repère des oiseaux de nuit. Cette soirée avait été à l'image d'Alfie : joyeuse et simple. Il se réjouissait donc de poser ses fesses dans le Boeing 777 de la compagnie Air France et de se laisser couler dans une douce somnolence qui l'amènerait jusqu'aux portes de la Guadeloupe. Pourquoi la Guadeloupe ? Pourquoi pas... Il n'y avait pas de véritables raisons à son choix de destination si ce n'était un destin facétieux qui allait le précipiter dans les bras d'une femme à la douce folie et à la peau parfumée de lilas...</p>
<p>Il avançait, maladroit, entre les sièges, cherchant du regard la place 35 B qui allait accueillir son sommeil. C'est alors qu'il la vit : misérable, secouée par des sanglots qu'elle cherchait à museler. Cette tristesse souveraine la rendait enchanteresse, habitée de sentiments puissants qu'Alfie n'avait jamais véritablement expérimentés. Terre-à-terre et cartésien, il ne connaissait pas cet afflux massif de sentiments irrationnels. Elle était assise à la place 34 A, soit la rangée devant lui... Alors qu'il s'installait, il la regarda, touché par une douleur émotionnelle qu'elle s'efforçait de rendre digne. Il ne pouvait s'empêcher de l'observer... Parcourant du regard l'avion, il constat qu'il était à moitié vide alors que la plupart des voyageurs étaient déjà assis. Il hésita alors un instant… Il n’avait pas envie de laisser cette jeune femme à la beauté insoumise et larmoyante, seule, tout le long du trajet. Mais peut-être était-elle accompagnée ? Peut-être que son compagnon de voyage allait prendre place à ses côtés ? Constatant que les hôtesses de l’air fermaient maintenant les portes, il se décida.</p>
<p>- Vous permettez ? Puis-je m’asseoir ? </p>
<p>- Bien sûr, répondit-elle avant de détourner la tête à nouveau.</p>
<p>Cette femme à l’exquise odeur de lilas touchait Alfie au plus profond de son être… Cette vulnérabilité dédaigneuse l’envoûtait littéralement. Il aimait l’humanité qui se dégageait de ses larmes, la trivialité même de sa tristesse qui l’amena à lui proposer un mouchoir… Avec un peu de chance, les heures d’avion à venir leur permettrait de faire connaissance… Ou pas !</p>
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